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Chronique d'un voyage

De Naples à Pompéi

Dans son écrin volcanique vert et gris, Naples attend lascivement au bord de l'eau. Pourtant point d'attirance au premier regard. Car, comme Peau d'Âne dans le conte de fée, elle se cache sous un manteau décrépit et poussiéreux. Il faut passer au delà des sacs amassés au sol et des murs abîmés, ne pas s'arrêter au charivari des boutiques pleines à craquer de pâtes et de liqueurs bariolées. Nous devons persévérer et traverser les portes des palais et des cloitres pour trouver enfin le chemin de sa beauté. A l'extérieur, il y a les majoliques, ces fines céramiques peintes de scènes pittoresques, de fleurs et d'agrumes. Nous déambulons, surpris, apaisés par le calme contrastant avec la rue assourdissante. Soudain, un seuil que nous franchissons. Le baroque dans toute sa splendeur nous attend. Les marbres en un ballet harmonieux habillent en polychrome les sols, les colonnes et parfois même les murs. Les peintures de maîtres resplendissent, les statues reliquaires toutes d'argent reluisent et les ors des lustres, ostensoirs et chandeliers éclatent.Dans les recoins, des crèches de la nativité si précisément exécutées, qu'elles soient grandeur humaine ou nichées dans la coquille d'un œuf, achèvent de dessiner à la ville une piété et une identité.

Le Vésuve au loin la surplombe, son cratère est un œil qui veille. La ville sait qu'un jour il viendra à son tour l'emporter. Alors elle veut vivre tant qu'il est temps. Croustillante comme la pâte d'une calzone, douce comme la crème glacé, forte comme l'expresso café, Naples doit lentement se savourer, pour développer en bouche tous ses arômes cachés...

Le volcan alors rappelle une autre histoire du passé et attise notre curiosité. Ce nom, presque un mythe, que nous avons déjà tant entendu et lu...Pompéi, entre hier et ici.Le petit train glisse alors le long de son flanc pour nous amener à nous y confronter enfin.

Sur les murs des villas, les visages délicats nous regardent comme ils regardaient déjà les habitants du lieu. Ces fresques intactes nous invitent, comme si rien n'avait changé depuis 79 ap JC. Dans la fraîcheur des pièces, la vie ne semble pas si loin. Les jarres sont là, debout. Les fontaines, les objets quotidiens aussi. Les thermes, les temples, le forum fourmillent d'une agitation qui pourrait être la même qu'autrefois. Seul le mélange des langues étrangères rappellent que le latin n'est plus ici. Plus loin, longeant les rues pavées de basaltes, une maison des plaisirs aux peintures suggestives attire les badauds tandis que les guides imitent le cri utilisé autrefois par les lupas pour attirer le chaland. Quelques mètres plus bas, des vignes poussent encore, murissant leurs grappes lourdes sous le soleil écrasant de midi. Il suffirait presque de fermer les yeux pour entendre juste à côté les athlètes et gladiateurs s'entraînant au palestre. Les pas continuent encore jusqu'à la villa misteri...troublante, comme une momie surgie sans ride du passé. Ses mosaïques au sol et ses murs ornés de dessins parfaitement conservés troublent...le décor si frais laisse penser que les propriétaires viennent juste de s'absenter.

Soudain au détour d'un mur, derrière une vitre, surgit la réalité. Des moulages blancs de corps pétrifiés, allongés sur un lit de ponces et de lapis. Ceux que, l'instant d'avant, nous croyions attendre ne reviendront plus. Depuis longtemps déjà ils ont pris le chemin de l'éternité. Les corps recroquevillés, les visages entre les bras ou tournés vers leur destin de fumée, ils racontent l'effroi et la douleur devant cette montagne si longtemps aimée qui soudain, en ogre, s'est révélée.

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