Rêve

Rêve...

Je ferme les yeux. Mon appartement, la nuit sur la ville disparaissent peu à peu. Les vrombissements des rues s’éloignent. Bientôt je ne t’entends plus rien. Une brise légère caresse soudain mon front. Elle a un parfum d’iode et de criste marine. Le ressac chante à quelques mètres de moi tandis que sur ma nuque les rayons du soleil tracent leur route, brune et chaude. Un enfant rit près de moi, un autre encore. Peut-être cherchent-ils des coquillages, bâtissent-ils une muraille ou rêvent-ils de déterrer un trésor ? Je sens mes pieds doucement s’enfoncer dans le sable fin et agite chacun de mes orteils pour sentir les grains dorés y glisser. Mes mains remontent le long de mon corps et de mes bras. Mes doigts s’attardent sur la douceur d’un paréo de coton encore salé d’une récente baignade. Les éclats innocents près de moi résonnent encore. Loin au-dessus de nos têtes, j’entends le chant d’une poignée de mouettes rieuses. Je respire à plein poumon mais n’ose ouvrir les yeux. Non parce que j’en ai besoin, je sais exactement où je me trouve, mais parce que je crains de voir tout disparaitre au moindre clignement de paupières. Je marche, droit devant moi, lentement, laissant mes plantes de pied deviner chaque poussière de sable, chaque brin d’algue et chaque éclat de nacre. L’eau affleure, frémissante, écumante et lape à présent mes pieds et mes chevilles. Je sens un sourire illuminer mon visage. La douceur de l’air est comme une main autour de mes épaules, réconfortante, délicieusement grisante. Mes sens sont pleins, pleins de bruissements, de parfums, de sel, de pressions délicates et marines. Un instant si bref et si infini. Peut-être est-ce cela le bonheur ? Ce moment où le temps n’existe plus, parce que seule compte l’émotion ressentie, sa plénitude…celle de sentir là, de se sentir soi. Mes cils s’écartent lentement pour admirer cet instant dans la vitre noire. Oui, je suis si bien…là.